Axe Majeur de Cergy : et si on quadrillait le Monde ?

A ma fée

Cergy, 30 Mars 2024

Jeudi dernier, ma fée m'emmène dans un coin reculé du nord de la capitale.

Instantanément, je suis comme hypnotisée par un néon vert qui vient fendre le ciel brumeux de son arc. De part et d’autre de l’espace qui m’entoure, il vient chalouper les cieux telle la courbe de la frontière d’une paupière. Malgré mes connaissances astronomiques, scientifiques et théologiques, j'ai toujours trouvé une certaine chaleur réconfortante à penser que j'étais capable de voir la rondeur de la terre à travers mes pupilles. 

Rationnellement, cela est impossible, mais jai toujours l’impression, en particulier la nuit, que mon ciel est uniquement la couverture intérieure d’un dôme qui me surplombe : de la même manière que le ventre de la femme enceinte habrite et protège la vie, je nous imagine fœtus de la Terre. Peut être s’agit t il de la couche d’ozone ? Qui sait.

Ce que je sais c’est que ce soir-là, pour la première fois, j’ai vu cette déformation de l’horizon que je pensais née de ma folie se matérialiser sous ses yeux, grâce à cet arc néon.

Mais dans tout cela, où sommes-nous ?

« L’Axe Majeur. Nous sommes sur l'Axe Majeur » me dit ma fée.

L'Axe Majeur de Cergy, une réalisation architecturale d'importance à Cergy-Pontoise, en Île-de-France qui constitue une pièce maîtresse de l'urbanisme contemporain. Il se présente sous la forme d'une voie piétonne surélevée s'étendant sur 1,3 kilomètre. L’axe relie le cœur historique de Cergy au quartier moderne de Cergy-Préfecture et est bordé d'arbres majestueux et ponctué par des sculptures monumentales au nombre de 12.

1.     La Tour Belvédère

2.     Le Verger des impressionnistes Camille-Pissarro

3.     L’Esplanade de Paris

4.     Les Douze colonnes

5.     Le Jardin des droits de l’homme Pierre-Mendès-France

6.     L’Amphithéâtre Gérard-Philipe

7.     Le Bassin

8.     La Passerelle

9.     L'Île astronomique

10.  La Pyramide

11.  Le Carrefour de Ham

12.  Le Rayon laser

12 c’est aussi le nombre de colonnes au milieu de l’Axe : gigantesques, elles surplombent les dalles de leur lourdeur et procurent un vertige agréable. Elles créent une atmosphère apocalyptique là, sous le ciel lunaire marqué de son néon vert.   

Je déambule, je me précipite sur cet axe, je grimpe, je saute je ris aux éclats et j’admire là haut, la bouche béante et le menton pointé vers la Lune. Je suis mon néon et parvient assez rapidement au cadran qui émet ce dernier. Je suis sur une place et elle est si grandiloquente que ma fée la surnomme  “Le Ministère”.

Et c’est là, au milieu de cette place, que ma fée me précise :

« Je te présente l'endroit le plus populaire de Cergy. »

Eprise d’un doute, d’une intuition, au vu du rictus qui déforme son visage, je me permet de questionner

la polysémie du terme qu’elle a employé :

«  Populaire au sens de connu ou au sens du peuple ? »

« Tout ce que tu vois autour de toi, ce sont des logements sociaux, des HLM. »

« Des HLM ? Des HLM comme le mien ? »

« Des HLM comme tien. »

La Place Hubert-Renaud, où s'élève fièrement la Tour Belvédère, est une œuvre magnifique signée de la main de l'architecte Ricardo Bofill. Elle délimite avec grâce le commencement de l'Axe Majeur et l'entrelacement urbain de la ville. Sa forme circulaire et ses influences de la renaissance lui ont valu le surnom évocateur de "Versailles du peuple", tant son aura monumentale éblouit. Cette place abrite 676 logements, qui sont en majorité des logements sociaux. 

Ses colonnes, torsadées et pilastres dessinent une symphonie néoclassique, pétrie de savoir-faire et d'audace. Pour lui, chaque monument serait le reflet d'une identité commune : il critique vivement l'architecture sans identité et sans âme des lotissements HLM de l'époque. Ce qu’il pointe du doigt selon moi est un phénomène de ghettoïsation des populations issuses de l’immigration qui me révolte tout particulièrement : c’est une réelle volonté d’évaporation des populations dans des cubes de platres blanc qui fait fi de leur humanité.

Je regarde autour de moi et là, trônant sur un arc de la place, un Chicken Spot, nourriture de mon beau monde, repère d’âmes neuves en quête de satiété et véritable symbole en tant que lieu de passage et d’échange de mon équipe, des classes populaires issues de l’immigration des villes. Il est là, au milieu de cette place aux allures de Famille Royale. Il est là et il fait face à une laverie toute de bleu et blanc vetue, encore typique ainsi qu’à une épicerie à la toiture vert sapin, encore plus typique. 

Voilà mon rêve et ce pourquoi je me bat ? Voilà la preuve irréfutable de la richesse que nous aurons toujours à échanger, mélanger, métisser pour s'élever. Voilà un lieu chargé d’Histoire peuplés d’individus qui le sont tout autant de part la leur : combien de destins tragiques ou magiques mais toujours épiques peuplent ces murs aux colonnes dorées. Quelle splendeur que ce lieu ressemble à s'y méprendre au siège des Nations Unies à Genève avec sa coupole, véritable symbole d’unions des nations par delà les différences, du moins en ce qui concerne l’intention.

L’Axe Majeur est donc selon moi le véritable témoin de la modernité urbaine des années 1970, il est anatomique de l'évolution dynamique de l'architecture et de l'aménagement urbain Parisien. C'est une prouesse architecturale et un message social fort et symbole de son temps.

Si l’Axe Majeur a pu être décrit comme une folie budgétaire et mégalo, je le vois comme une étendue de 3 km d’art, de nature, de mixité sociale et d’accueil.

Si l’Axe Majeur est cette promesse de l’existence d’une agglomération qui se veut solidaire et éclairée, une ligne droite sans commencement ni fin mais toujours infiniment dans la direction d’un espoir radieux, alors j’aimerais quadriller le monde.