top of page
  • Instagram

Saint-Omer, Alice Diop : la question universelle sublimée à l'écran.

  • Photo du rédacteur: Ivana Haidara
    Ivana Haidara
  • 5 déc. 2022
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 23 janv. 2023

Ce film m’a touché d’une manière très personnelle. C’est un précis. Alice Diop décrit de manière plus que précise un sentiment dont on ne parle à jamais et sur lequel je ne suis jamais parvenu à mettre des mots.

Dans ce long métrage qui traite de infanticide de Laurence Coly, on se rend compte que le procès est uniquement le support choisi par la réalisatrice pour raconter cette histoire tabou, la question qu’on se pose toutes : celle du devoir de maternité, ses enjeux, ses affres visibles ou invisibles mais dont on ne parle pas.



Tout d’abord on fait face à un film agréable visuellement, la photo est très nette, les images lumineuses et les zooms dans les moments de solitudes rendent les silences tellement parlants. On a aussi une bande son menue mais efficace, des rythmes accordées à l’intrigue et une répétition de ces enregistrements de respirations hachées presque de suffocation lorsque l’un des personnages est emprunt au doute ou à la panique.

En effet, on a cette dualité de portraits de deux femmes, Laurence et Rama, chacune d’un côté de la salle d’audience. Rama est enceinte et animée par la volonté d’aimer son enfant comme elle ne l’a jamais été, on évoque cette distance instaurée entre les mères souvent issues de l’immigration ouest africaines et leur enfant. Cette non affection, ce manque de communication car celles ci incarnent des femmes fortes, des femmes d’acier, intouchables.




Elles n’en restent pas moins des femmes, Alice Diop a su saisir cela dans ces scènes de flash back : par exemple une scène présente la mère de Rama en train de mettre ses bijoux, de s’orner, de s’alourdir en ajoutant toujours plus d’acier. Dans le meme temps, des larmes furtives et des sanglots muets l’agitent : la petite Rama s’assoit à coté de sa mère, et ne fais rien, le reflet de ces deux être assis l’un à coté de l’autre est la clé du film :


J’ai peur de devenir comme elle” dira Rama des années après, s’apprêtant à donner la vie.


Le film s’achève sur cette tirade magnifique qui résume à elle seule l’objet du récit. Oui, c’est un véritable récit qui est dressé par Alice Diop mais aussi Marie Ndaye écrivaine chère à mon cœur en ce qu'elle a écrit Trois femmes puissantes. Cette tirade est un réel état de fait de ce sentiment de maternité, ce devoir :


On porte de fardeau de nos mères et de nos filles”.


Elle introduit cette réelle dimension generationnelle et culturelle de ce sentiment et évoque la notion de cellule chimérique très intéressante qui établit cet échange entre une mère et son enfant qui se fait dans les deux sens.



Comment, comment une femme “comme” Laurence Coly, éduquée, éloquente, ayant toutes les clés pour réussir, en a t elle pu arriver à commettre l’irréparable, l’infanticide. Alice Diop est une femme de lettres, à mon sens la réponse est dans les mots : les mots sont très importants et elle ne se gene pas de jouer sur l’homonymie du mot “mère/mer” rien que dans le titre. Car oui c’est à la “mer” que Laurence donne son enfant, qu’elle veut que sa fille de 14 mois “emporte” le corps de sa fille, comme un retour en elle, comme un retour à la “mère”.


Le film s'achève sur le bruit des vagues mêlé à la puissante voix de Nina Simone qui vient s'aligner sur le ton grave de cette fin, de récit.


Saint-Omer c’est un coup de projecteur dirigé sur cette question si universelle et paradoxalement si tabou, c’est une interrogation sur la dualité entre être mère et le devenir, donner et recevoir, savoir et faire. Les schémas que nous voyons, nous les reproduisons, chacune de nous est le présent de sa mère et le passé de sa fille. Que se passe-t-il si l’on rompt ce cercle ?


Voilà la question que s’est posée la talentueuse Alice Diop à l’écriture de ce film à mon sens, voilà la question qui a resoné en moi et m’a boulversé, pour cela, je la remercie.





Comments


© 2023 by On My Screen. Proudly created with Wix.com

bottom of page